Le rendez-vous est fixé à 10 heures au centre d’information d’Ehmej, un village du caza de Jbeil situé entre 900 et 1 400 mètres d’altitude. Quelques minutes plus tard, le groupe de marcheurs accède au sentier. La quarantaine de touristes grimpe pendant une heure et demie entre les rochers et toutes sortes d’arbres. Le chemin sent le thym sauvage et la menthe. Les deux guides, qui ont grandi à Ehmej, marquent des pauses régulières. Ils désignent un arbre pour préciser son nom, ou indiquent un habitat d’animal. Après deux heures et demie de promenade vraiment sportive, ponctuées de haltes photographiques, certains sont fatigués. « J’ai l’habitude de faire de la gym, mais là, je n’ai plus d’énergie. Ils n’avaient pas prévenu que c’était difficile », déclare Julie Naim, en regrettant visiblement de porter des Converse. « Je pense que je dirai que c’était fantastique une fois arrivée au restaurant, mais pour l’instant je suis fatiguée », reconnaît Pascale Khalil. Adossée à un rocher, elle prend une pause avant de continuer la descente vers l’auberge, prochaine étape. En enfants de la montagne, les guides ont choisi un raccourci qui descend en pente abrupte. À l’arrivée, après un repas de mezzés préparé par des habitantes du village, les visiteurs peuvent s’initier à l’escalade, emprunter des vélos tout-terrain, ou profiter d’une tyrolienne dans la nature.
Préserver la nature et générer des revenus
Développer Ehmej a d’abord été une initiative des habitants, bientôt relayés par la municipalité, dont Nazih Semaan est le maire depuis 12 ans. L’organisation Usaid a aussi beaucoup participé à la réalisation des projets en apportant un soutien financier. Dès 2000, l’idée de développer ce village de 4 000 âmes a germé dans la tête d’habitants soucieux de l’avenir d’Ehmej. « Nous avions deux préoccupations », expose un bénévole à la municipalité, « comment préserver la nature et comment assurer des revenus aux habitants ? » Car à Ehmej comme ailleurs, le chômage sévit. Certains sentiers sont ouverts depuis 2 ans maintenant, tout comme les infrastructures permettant d’accueillir des groupes ou des familles. Le village bénéficie, depuis, d’une auberge où passer la nuit, à côté d’un parc d’activités (tyrolienne, escalade…). Le 24 mai dernier a eu lieu le lancement officiel des sentiers. Le défi est d’importance : la région est connue des randonneurs mais Ehmej n’est pas un lieu de villégiature répandu. « Le principe, c’est que les agences de voyages appellent le centre d’information d’Ehmej pour réserver une randonnée ou un séjour », explique Imane Khalifé, responsable du projet à la municipalité. Selon Joseph Khalifé, un agriculteur d’Ehmej, le village a changé depuis 2009 : « Maintenant, les jeunes du village ne partent plus pour aller travailler dans les hôtels de Beyrouth. »
Une soixantaine d’emplois créés
L’ouverture de la structure et son développement progressif depuis 2009 ont en effet permis d’embaucher des habitants. Samia Hachache Semaan, l’une des cuisinières, est employée par l’association d’Ehmej. Elle travaille depuis trois ans à l’auberge. « Je n’ai pas de formation en cuisine. Avant, je n’avais pas d’emploi, je restais à la maison », se rappelle t-elle avant de s’enquérir de la qualité du taboulé servi lors du déjeuner. Son mari, sa fille et son fils sont aussi embauchés par l’association. Le dernier passe son bac cette année tout en apprenant l’anglais. Il est aussi guide sur les sentiers d’Ehmej et d’une douzaine de villages alentour : « J’aime la nature et je suis impliqué à Ehmej, donc j’ai demandé à Imane Khalifé d’être embauché comme guide. » Ils sont 10 dans son cas et ont suivi une formation : « Chaque week-end, pendant trois mois, nous avons appris à connaître les sentiers et à emmener un groupe en montagne », raconte Élio. Au total, selon un bénévole de la municipalité, 60 personnes ont trouvé un emploi, à temps plein ou à temps partiel. Jeudi dernier, après le déjeuner, les randonneurs avaient retrouvé leur énergie. « C’est génial ! » s’exclamaient Élie Sadaka et Marie-Josée Karam, deux bons marcheurs qui ont caracolé en tête du groupe toute la matinée. « On est vraiment surpris par la nature et les arbres. Les gens aiment faire ce genre d’activités, mais personne ne sait où aller. Par contre, il faut prévoir un sac à dos et de bonnes chaussures. » Le couple, habitué à marcher dans la région, pense revenir à Ehmej.
Informations utiles :
Réservation : 70-227730 ou 70-487111 ou 09504250
Tarif des guides : 50 000 LL pour deux heures, 75 000 LL pour trois heures et plus (compter un guide pour 10 personnes)
Ecrit par Laure Delacloche
www.lorientlejour.com